Elections présidentielles françaises : à quand une réforme sérieuse ?

L’échéance arrive à grands pas, et pourtant il semble que le système défectueux de l’élection présidentielle française ne soit pas remis en cause.

Système de parrainage obsolète, temps de parole iniques, élections législatives invisibles, délais discutables… Voici quelques exemples qui nuisent, selon moi, au choix démocratique suprême.

L’esprit de la Vème République est que l’élection présidentielle soit la rencontre entre un(e) candidat(e) et le peuple français. Si l’on analyse les pays européens, la majorité d’entre eux disposent d’un système qui était encore le notre avant le référendum du 28 octobre 1962. Un chef d’Etat élu par des élus, avec relativement peu de pouvoirs (Allemagne, Italie, Hongrie…), et d’un chef de gouvernement communément appelé Premier ministre et disposant de pouvoirs importants, émanant lui-même de la majorité parlementaire. Naturellement, les monarchies parlementaires européennes fonctionnent de la même manière, à la différence près que le chef d’Etat n’est pas élu. Mais le principe reste le même concernant le gouvernement.

La France, dans sa singularité partagée avec quelques pays (Portugal, Irlande, Islande…), ne souhaite pas l’entrave des partis politiques dans son choix. Alors, pourquoi le système des parrainages, principalement issus des maires, vient-il perturber ce lien ? Car en effet, depuis une loi organique datant de 1976, nous sommes passés de 100 à 500 parrainages. Cela pouvait se comprendre dans un temps où le monde numérique était absent. Aujourd’hui, nous avons la technologie qui permettrait de faire parrainer directement un candidat par le peuple.

Certes, la suppression des parrainages pure et simple conduirait à des dérives, notamment de candidatures peu sérieuses. Par ailleurs, il est important qu’un candidat émane d’une volonté populaire, quelque soit son importance, et du moment qu’elle soit réelle. Le but, également, étant de ne pas se retrouver avec des centaines de candidats au premier tour.

Alors la solution se trouve incontestablement dans un système de parrainage citoyen, qui ne soit pas rendu public, contrairement au système actuellement en place qui met les maires devant de grandes difficultés, la crainte les envahissant de ne pas recevoir les subventions des autres collectivités ou d’être rejetés par leur population lorsqu’ils sont sans étiquette et qu’aucune légitimité ne leur donne le droit de « politiser » leur commune. Car quoi qu’en disent les quelques personnalités favorables à ce système, la population associe le parrainage à un soutien politique. Cela est une évidence. Il faut noter que seulement le tiers des élus accordent leur parrainage depuis 1981 (environ 15.000 pour près de 45.000 élus). Cela est donc la preuve que ce système ne marche pas, et qu’il s’effiloche.

50.000 ? 100.000 ? 200.000 ? Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur un nombre nécessaire de parrainages citoyens, mais je crois que c’est un détail qui pourrait trouver une réponse rapidement après l’adoption d’une réforme allant dans ce sens.

Concernant les délais, il serait bon, comme l’a dit un candidat à l’élection présidentielle récemment sur France info à 1 minute 02 (extrait de la vidéo), que ces parrainages soient finalisés plus tôt, disons au mois de décembre et non fin février ou début mars comme actuellement, afin de permettre une campagne claire et de définir des temps de parole stricts. Sans citer personne, tout le monde reconnaîtra que certains candidats déclarent ne pas avoir les 500 sésames et se voient pourtant accaparer la scène médiatique. Ce qui fait que les médias imposent des figures politiques pendant des mois (appelant pour certaines de ces personnalités aux parrainages pendant que les autres se battent sur le terrain pour en obtenir), infusant l’idée que seuls eux pourront l’emporter, alors que les autres n’auront que le dernier mois pour être invités, c’est-à-dire pendant la campagne officielle. Est-ce normal ? Si les médias sont un contre-pouvoir, ils ne doivent en revanche pas devenir un pouvoir faiseur de rois !

A ce propos, le temps de parole est diaboliquement inique, injuste et même cruel pour les « petits candidats ». Déjà qu’ils ont d’énormes difficultés pour trouver leurs parrainages pendant que les grands partis peuvent se consacrer déjà à leur campagne, mais en plus ils ne peuvent que peu s’exprimer.

Les parrainages étant validés trop tardivement, cela donne des situations qui prêtent à sourire jaune ! Henri Guaino, par exemple, qui n’a pas réussi à obtenir les 500 signatures, a malgré tout dépassé le temps de parole de certains candidats devenus officiels par la suite ! D’après le CSA, il a en effet bénéficié de 0.72% du temps de parole du 1er février au 05 mars 2017, alors que quelques candidats ont eu beaucoup moins de temps d’antenne sur la même période.

Quelques exemples de temps de parole : Nathalie Arthaud (0.16%), François Asselineau (0.10%), Jean Lassalle (0.25%) et Philippe Poutou, qui fait jeu égal avec Henri Guaino avec 0.72%, alors que tout le monde sait que son parti est toujours présent aux présidentielles et que l’inviter ne constituait pas un « risque » de perdre du temps avec un non-candidat. Les 4 personnalités citées au début de cette démonstration ont été candidates, contrairement à l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy (source). Est-ce normal, sérieux et crédible ? N’est-ce pas une injustice scandaleuse pour la démocratie ?

Même si les écarts sont moins creusés pendant la campagne officielle, lorsque les candidats définitifs sont connus, il n’en demeure pas moins qu’ils ne sont pas logés à la même enseigne malgré tout. Le CSA, là encore, le démontre par les chiffres des derniers jours juste avant le premier tour de 2017 (source).

Il faut donc impérativement permettre aux Françaises et aux Français d’avoir au moins quelques semaines où ils peuvent avoir un aperçu non biaisé, un aperçu où chaque candidat puisse être égal en temps de parole avec ses concurrents, ainsi qu’en nombre de passages dans une émission. Ou alors, les dés sont pipés. Les élections ne pourront jamais paraître aussi sérieuses qu’elles devraient l’être. Les grands partis sont omniprésents en dehors des campagnes électorales, alors ne peuvent-ils pas laisser parler les autres autant qu’eux juste une seule fois en cinq ans ?

Enfin, je pense que faire les élections législatives au mois de juin est une erreur. Plusieurs raisons le démontrent, à savoir un taux d’abstention bien plus important que pour la présidentielle (25,44 % au second tour de la présidentielle de 2017, contre 57,36 % aux législatives un mois après). La raison est évidente, puisque la campagne présidentielle vient de se terminer, les gens pensent à autre chose, surtout en période estivale.

Par conséquent, il serait plus utile de mettre les élections législatives au même moment que les élections présidentielles, comme aux Etats-Unis ou même en Allemagne où les électeurs ont deux choix à faire sur le même bulletin le jour du vote, avec la certitude que le taux de participation soit pratiquement le même et que la campagne législative ne soit pas influencée par le résultat de la présidentielle. Car aujourd’hui, elle est véritablement cadenassée, les législatives étant presque systématiquement une transformation d’essai de la présidentielle, décourageant les sympathisants des partis vaincus à se mobiliser. Pourtant, il s’agit de l’élection qui détermine également quels partis politiques auront le privilège de recevoir des subventions publiques ! C’est-à-dire que cette forte abstention prive lourdement des partis politiques de porter leur parole à l’Assemblée nationale, mais aussi de pouvoir se développer financièrement, et évidemment d’être reçus par les médias qui estiment qu’ils n’existent pas si ils n’ont pas de représentation nationale. Enfin, ce calendrier électoral ne permet en aucun cas aux candidats aux législatives de mener une campagne digne avec seulement un mois d’intervalle.

Que d’injustices, donc, à cause de ce système électoral. Par conséquent, à quand une réforme sérieuse de l’élection présidentielle ?

7 réflexions sur “Elections présidentielles françaises : à quand une réforme sérieuse ?

    • Merci Marilyn ! Pour ma part je ne suis pas candidat à l’élection présidentielle à venir mais j’y prendrai ma place en analysant les positions des prétendants à l’Elysée ! Bonnes fêtes à vous et n’oubliez pas de partager ce blog au plus grand nombre 😉

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